Gala exemplaire au Théâtre des Champs-Elysées
Consultant l’affiche du gala des 10 ans du Palazzetto Bru Zane au Théâtre des Champs-Elysées, le mélomane pressentait l’événement de taille mais il n’était pas au bout de ses surprises ! Explications…
En lançant un « Bonjour Messieurs Dames ! » en chemin vers son pupitre, le chef d’orchestre Hervé Niquet a donné le ton de la soirée de gala autour des 10 ans du Palazzetto Bru Zane. Il sera joyeux et festif ! Ce soir du 7 octobre 2019, le public du Théâtre des Champs-Elysées a eu de quoi se réjouir lors de 2h de concert sans entracte où se sont plaisamment chamaillés sur scène les « rigolos » entraînés par Lara Neumann d’un côté et les « sérieux » de l’autre, emmenés par Véronique Gens.
Après une joyeuse ouverture de Madame Favart d’Offenbach, titre récemment ressuscité in extenso à l’Opéra Comique, l’on trouve sur scène la divine soprano sanglotant sur un gâteau (où l’on devine dix bougies) bientôt rejointe par des invités de marque comme Cyrille Dubois. Judith van Wanroij a le privilège d’ouvrir la série des airs d’opéra avec la grande scène de Phèdre de Lemoyne, une autre belle redécouverte de Bru Zane. Dans un tout autre style, le ténor Rodolphe Briand goguenard lui a emboité le pas avec « J’viens d’perdr’ mon gibus » de Chaudoir entrecoupé de couplets où l’on reconnaît l’air de la fleur de Carmen, une mélodie de Fauré et même le fameux « Hojotoho » de Walkyrie !
Le trait romantique du Venise-Paris
Voilà maintenant 10 ans que le Palazzetto Bru Zane de Venise offre au Français une redécouverte exemplaire de leur répertoire romantique des XIX et XXe siècle. Inaugurée en 2009 dans la cité lacustre, l’institution effectue non seulement un travail de recherche phénoménal mais surtout produit ou co-produit nombre de spectacles, concerts (en France et en Italie) et CDs fortement appréciés par les mélomanes. A la fin du concert, la présidente Nicole Bru a reçu une belle ovation amplement méritée. Nombreux sont les souvenirs qu’il serait superflu d’évoquer ici car la nostalgie n’a pas été conviée. 10 ans est un bel âge, beaucoup plus propice aux promesses qu’aux constats.
Le gala mêlant musique légère et extraits lyriques ou symphoniques a été idéalement construit avec des titres bien connus, d’autres déjà exhumés et quelques inédits qui ont donné envie d’en entendre plus (comme ce Lancelot de Victorien Joncières magnifiquement défendu par Véronique Gens et Cyrille Dubois). On ne pouvait rêver meilleur exposé sur l’action du Centre de musique romantique française. Pour cette soirée anniversaire, l’admirable travail de Romain Gilbert (un talent à suive de près) est à souligner. Grâce à une mise en espace légère et intelligente, il a réussi à construire un vrai propos autour de l’enchaînement des morceaux de musique souvent empesé lors des soirées de gala.
Olivier Py en mascotte de la soirée
Il a eu à sa disposition un plateau prestigieux constitué de familiers et de fidèles du Bru Zane à commencer par Hervé Niquet. A la tête d’un Orchestre de chambre de Paris multicarte, le chef grand défenseur de la musique française a sauté facilement d’un répertoire à l’autre avec tout le sérieux nécessaire, sans oublier légèreté et facéties. Au chapitre des pitreries irrésistibles, Olivier Py en personne est venu pousser la chansonnette dans un duo de La Mascotte d’Audran avec Rodolphe Briand, dignes héritiers de Charpini et Brancato. Autre duo explosif, Lara Neumann et Flannan Obé ont entretenu avec délice la grande tradition de la parodie dans le duo de la bretelle de Faust et Marguerite de Barbier.
Même dans une intervention plus traditionnelle, Chantal Santon Jeffery ou Tassis Christoyannis (magnifique Extase de Saint-Saëns) ont joué le jeu avec un second degré bien vu. Il convient de citer également Ingrid Perruche, Edgaras Montvidas ou Marie Gautrot, tous impeccables comme les musiciens solistes Pierre Cussac et Emmanuel Ceysson. Le harpiste a envouté la salle avec le Concertstück de Pierné.
Un anniversaire très joyeux au Théâtre des Champs-Elysées pour le Palazzetto Bru Zane à qui l’on souhaite de nous émerveiller encore longtemps !