Tous les quatre ans, le Concours Voix Nouvelles livre sa nouvelle fournée de jeunes talents à suivre avec des concerts comme au Théâtre des Champs-Elysées où les lauréats ont donné de la voix. Le rendez-vous de la nouveauté et des confirmations ? Réponse…

Voilà presque un an et demi que nous avions quitté les lauréats du Concours Voix Nouvelles. La finale de la 5ème édition s’est tenue à l’Opéra-Comique, le dimanche 8 octobre 2023, révélant les nouveaux talents du chant français avec l’envie de suivre leur parcours. L’émergence de ces artistes prometteurs se mesure maintenant sur scène, en tournée un peu partout dans l’Hexagone et à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées. Ce 17 février 2025, six chanteurs se sont produits dans des airs d’opéra, accompagnés au piano par Rodolphe Lospied. La grande lauréate, Lauranne Oliva, manquait à l’appel déjà sollicitée par l’Opéra de Lausanne où elle incarne Aspasia dans le Mitridate de Mozart (elle sera la Calisto de Cavalli au Festival d’Aix-en-Provence cet été 2025). D’autres surprises ont animé la soirée présentée par Saskia De Ville.

La grippe laisse Emy au lit in Paris mais pas au Théâtre des Champs-Elysées !

La charmante animatrice de la matinale de France Musique a annoncé un changement de programme. La grippe n’épargnant décidément personne, Emy Gazeilles (entendu récemment à Rouen en Sœur Constance dans la sublime production de Dialogues des Carmélites de Poulenc) a été remplacée par Apolline Raï-Whestphal. Remarquée notamment dans les deux Armide à l’Opéra-Comique, la jeune soprano, qui était allée jusqu’en demi-finale du concours, n’est pas une inconnue. Tâche toujours délicate, elle ouvre le bal avec « Adieu, notre petite table », un Everest extrait de la Manon de Massenet. Même si la voix est encore petite pour l’emploi, Apolline Raï-Whestphal sait être émouvante sans pour autant avoir tâté la scène dans ce rôle iconique. Le concert concentré sur une heure et demi de musique alterne airs solo et ensembles. Léo Vermot-Desroches et Héloïse Poulet entament la première valse en Roméo et Juliette de Gounod avec « Ange adorable… ». Le seul garçon de la session est aujourd’hui l’un des ténors les plus prometteurs de sa génération. Malheureusement ce n’est pas exactement un bon soir pour lui. Des notes tubées empêchent d’apprécier pleinement le timbre séduisant de l’artiste. Une fois la voix chauffée, Léo Vermot-Desroches attaque sans difficulté le Lied d'Ossian (« Pourquoi me réveiller » du Werther de Massenet) avec vaillance et des aigus un peu trop en force. Même s’il se montrera légèrement en retrait dans les ensembles, les réserves d’un soir ne changent pas le bien que l’on pense d’un ténor promis à un bel avenir. Construire un programme avec des formats vocaux disparates s’apparente parfois à un casse-tête. La grande voix de Livia Louis-Joseph Dogué, qui n’attend que l’orchestre, domine le trio des masques de Don Giovanni mais écrase ses acolytes, réduits à un récital Mozart. Le duo avec Lotte Verstaen fonctionne à merveille dans La Barcarolle des Contes d’Hoffmann où les deux timbres servent joliment Offenbach pris un peu trop rapide. Livia Louis-Joseph Dogué est une Contessa des Nozze di Figaro évidente malgré un tempo encore une fois trop rapide dans la « Canzonetta sull’ aria » qui avantage les phrases de sa partenaire. Le même défaut du pianiste accompagnateur (Rodolphe Lospied qui réalise néanmoins une très bonne performance) n’empêchera pas la soprano de subjuguer dans le célèbre « Summertime » de Porgy and Bess de Gershwin. La voix opulente s’y épanouit à ravir avec des nuances qu’elle développera à foison dans un rôle qu’elle fera sien, à n’en pas douter.

Les mamelles de Poulet s’envolent avec toupet

Juliette Mey ne manque pas de brillant dans « Nacqui all'affanno » de La Cenerentola de Rossini où, débarrassée des enjeux, elle s’amuse beaucoup plus que le soir de la finale du Concours Voix Nouvelles. La vocalise est une mécanique impressionnante qui fait mouche même si l’articulation italienne et les appuis pour la diction restent perfectibles. Son timbre clair ne fait pas d’ombre à l’autre mezzo de la soirée qui s’illustre dans un répertoire différent. Lotte Verstaen possède une voix rare et profonde qui convient au dramatisme du personnage de Charlotte. L’intensité de la prestation n’attend plus que l’expérience de la scène et l’éclosion théâtrale de la chrysalide. Bien chantée, la Carmen trop policée manque encore de sex-appeal et malgré cette remarque, Lotte Verstaen a délivré le moment émotion de la soirée. Avec Livia Louis-Joseph Dogué, Héloïse Poulet a été la troisième sensation du joyeux concert où l’on retient la parfaite prestation des trois dames dans la scène d’ouverture de Die Zauberflöte de Mozart. Même dans ce court extrait, la Poulet habite son rôle avec espièglerie. Dans l’extrait de La Fille de Madame Angot de Lecocq, elle chante avec le style qui convient parfaitement mais c’est dans le très payant extrait des Mamelles de Tirésias de Poulenc que l’art de la soprano atteint son acmé. Certes, le suraigu est un peu tendu et la diction « presque » parfaite mais, dans un exercice aussi ardu, elle arrive à dépasser les difficultés vocales pour incarner un vrai personnage avec malice et beaucoup d’esprit. L’amour était dans l’air à la fin du concert où tous les interprètes et artistes talentueux ont chanté en chœur, « C'est l'amour qui flotte dans l'air à la ronde » extrait des Saltimbanques de Louis Ganne. À l’issue, l’enthousiasme des spectateurs prouve, s’il le fallait encore, que le Concours Voix Nouvelles sait mettre en avant les talents.