Classique c'est cool

View Original

Monumental Berlioz à la Philharmonie de Paris

2019 est l’année Berlioz avec au concert, ses réussites et ses ratés. Lorsque la Philharmonie programme un week-end dédié au grand compositeur, le mélomane curieux s’intéresse au gigantesque Te Deum. Compte-rendu…

Kazuki Yamada © Marco Borggreve

La France possède un patrimoine exceptionnel qu’il est important non seulement de conserver mais également de faire vivre, surtout lorsqu’il s’agit de musique classique. Notre panthéonisable Hector Berlioz est particulièrement à l’honneur cette saison puisque 2019 marque les 150 ans de sa mort.

Le célèbre compositeur romantique européen est plus que jamais dans l’actualité. La Philharmonie de Paris vient de lui consacrer un deuxième week-end complet émaillé de nombreux temps fort comme une Symphonie Fantastique confiée au captivant François-Xavier Roth ou encore un énorme Te Deum, entendu ce samedi 25 mai 2019.

Berlioz en majesté

Les mélomanes familiers de la grande salle Pierre Boulez en connaissent les nombreuses vertus mais restent toujours stupéfaits par l’acoustique. Que ce soit dans l’intimité d’un récital ou comme ici dans le gigantisme avec l’orgue déployé, un orchestre et des chœurs fournis, les détails paraissent clairs même si la partition de Berlioz ne permet pas toujours la transparence.

Kazuki Yamada © Marco Borggreve

Créé en 1855 par 950 exécutants, le Te Deum fait partie de ces œuvres qui peuvent facilement donner raison aux détracteurs qui accusent Berlioz de pompiérisme. Il la qualifiait lui-même « d’architecturale ou monumentale ». A la tête d’un Orchestre Philharmonique de Radio France en très grande forme, le chef Kazuki Yamada (actuel directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo) possède indéniablement le sens de la construction. Les décibels sont lâchés sans tonitruances grâce à un équilibre chœur/orchestre presque toujours maintenu. Pas moins de cinq formations chorales ont été sollicitées pour la grande messe (Maîtrise de Radio France, Maîtrise de Notre-Dame de Paris, Choeur d'enfants de l'Orchestre de Paris, Choeur de Radio France et Choeur de l'Armée française) avec toutefois le regret de voir les enfants noyés dans l’ensemble car placés trop haut dans la configuration de la scène.

Pour la partie ténor, il est agréable de retrouver le ténor Barry Banks, belcantiste éprouvé qui grâce à un instrument épanoui et un aigu facile a offert un beau moment apaisé, l’un des plus doux de la partition. Thomas Ospital à l’orgue nous enivre avec les belles sonorités du phénoménal instrument. En sortant de ce concert, une conclusion s’impose, le Te Deum colossal de Berlioz a trouvé sa salle et l’acoustique qui lui rend justice.

Berlioz très critique

Depuis toujours, l’Orchestre Philharmonique de Radio France accorde une place importante à la création. Très judicieusement, la première mondiale de Reflections, deuxième concerto pour piano de Michael Jarrell a été programmé en première partie du concert. Berlioz en son temps a été lui-même un critique passionné avec parfois la dent dure.

Bertrand Chamayou © Marco Borggreve

Dans le Journal des Débats, la rédaction portait sur les œuvres de Gluck, Mozart ou Beethoven mais aussi Bellini, Halévy ou Bizet, ses contemporains d’alors ! Comme lui, un large public a pu découvrir une œuvre de musique d’aujourd’hui portée avec conviction et profondeur par le jeune et passionnant pianiste Bertrand Chamayou et par l’orchestre dirigé par Kazuki Yamada très investi. Dans le premier mouvement, le compositeur avec un son qui semble spatialisé nous plonge dans un univers inquiétant composé de phrases syncopées où fusent les déflagrations. Le piano omniprésent ne répond pas à l’orchestre comme un antagoniste, il est l’acteur majeur du concerto. Le deuxième mouvement fluide évoque dans un premier temps les sons perlés d’un Ravel ou d’un Debussy avant de poursuivre dans une immobilité très inspirée. Le piano virtuose du troisième mouvement s’assombrit bientôt. L’orchestre y réserve quelques plages effrayantes.

Michael Jarrell qui a écrit ce concerto après la création de Bérénice en septembre 2018 au Palais Garnier, a été marqué par la mort d’Eric Daubresse, réalisateur à l’IRCAM à qui cette pièce et dédiée. Sa pièce est empreinte de profondeur et touche spontanément, ainsi cette fin abrupte saisissante comme la disparition.