Le Festival Berlioz s’achève en orbite et dans les larmes
Les attentes sont grandes lorsque l’on se rend au Festival Berlioz, reconnu pour ses affiches toujours d’une qualité exceptionnelle. Le concert de clôture 2024 avec le LSO et Antonio Pappano a provoqué des pleurs. Explications…
« Apothéose », le terme aurait plu à Hector Berlioz, notre romantique national qui, comme critique musical (ce qu’il fut dans ses années parisiennes), l’aurait certainement utilisé pour décrire le concert du 1er septembre 2024 à La Côte-Saint-André même s’il avait plutôt la dent dure. La ville natale du fougueux compositeur accueille le bien nommé Festival Berlioz à la fin de l’été avec toujours de très belles affiches. Son directeur, Bruno Messina, concocte chaque saison, une programmation à se damner. Les grands noms se retrouvent un peu partout dans la ville mais ce sont les concerts du soir, dans la cour du Château Louis XI, qui attirent le plus grand nombre de spectateurs. Pour clore le Festival en beauté, l'illustre chef Antonio Pappano était sur scène face au London Symphony Orchestra, l’un des dix meilleurs orchestres au monde !
Le carnaval romain et les fantastiques du Festival Berlioz
Un festival, c’est avant tout une ambiance diront les globetrotters mélomanes qui parcourent le monde à la recherche de sensations fortes. Les Français étant souvent les plus critiques d’eux-même oublient parfois que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Fort de la réussite des J.O. de Paris, ils semblent découvrir enfin que leur terre est « un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ». L’accueil des bénévoles du Festival Berlioz est certainement le plus chaleureux, le plus professionnel et convivial qu’il nous ait été donné de vivre. Dans de telles conditions, où la ferveur se ressent avant même l’entrée dans la salle, les mélomanes sont déjà dans les meilleures prédispositions pour vivre au mieux leur expérience de mélomane. La salle elle-même participe au spectacle avec les lumières qui habillent la scène et, en surimpression, le profil de Berlioz, l’enfant chéri du pays. Antonio Pappano a choisi de lui rendre hommage avec Le Carnaval Romain, ouverture brillante souvent utilisée. Si l’impression de perfection peut électriser, alors l’on peut assurément parler de choc. Tout est en place, les tempi, la balance entre les différents pupitres jusqu’à l’intention d’un chef qui arrive, non sans malice, à faire chanter son orchestre symphonique.
Le pianiste Bertrand Chamayou se met au Burleske
Sir Antonio Pappano vient tout juste de succéder à Sir Simon Rattle à la direction du London Symphony Orchestra qui n’en finit plus d’être à son plus haut niveau d’excellence. L’entente entre le chef et ses artistes ferait presque oublier la présence du soliste Bertrand Chamayou, venu interpréter une brillante Burleske pour piano de Richard Strauss. L’œuvre de jeunesse du grand compositeur allemand est anecdotique dans son riche catalogue et même assez peu représentative de son style à venir. La dextérité et la virtuosité qu’elle réclame peut légitimement séduire un pianiste comme Chamayou qui s’amuse des difficultés de cette partition. Le toucher est précis, la maîtrise impeccable et seule une petite pluie fine vient discrètement chahuter la mécanique implacable et le tempo admirablement rodé. Après le succès attendu, Chamayou a offert en bis, la fameuse Pavane pour une infante défunte que l’on a déjà entendue plus inspirée.
Antonio Pappano en gravitation autour des Planètes
Le généreux programme appelait ensuite un plat de résistance conséquent avec The Planets de Gustav Holst. L’œuvre, on ne peut plus anglaise, est troublante car elle convoque tout à la fois raffinement, élégance et une certaine trivialité, avec des effets sonores que ne renierait pas un compositeur de musique de film comme John Williams. Sublimée par les forces du LSO, la partition se déguste avec une gourmandise presque coupable. Mars, la première des sept planètes visitées est celle qui impressionne le plus. Pappano y joue des timbres et des contrastes avec des montées en puissance superbement dosées et des explosions sonores tout aussi maîtrisées. Jamais pris à défaut d’un surrégime, les moyens de l’orchestre impressionnent comme la grande musicalité de chaque soliste (superbe violon solo dans Venus). La plus complexe des planètes, Saturne, offre les plus beaux moments de musique de la soirée. Toujours précis, le chef fascine en balayant tout le spectre sonore avec d’infinies nuances. Du grand art ! « J’adore Berlioz mais notre cadeau, c’est anglais et c’est pour dire Friendship ». Avec Nimrod, neuvième Enigma variation d’Elgar en bis, Antonio Pappano et les musiciens du London Symphony Orchestra ont mis le public debout, en pleurs. Ce moment suspendu a mis fin à l’édition 2024 du Festival Berlioz en attendant la saison prochaine où l’on espère vivre à nouveau des émotions aussi intenses.