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FrancenDanses ou la France de la danse au Théâtre des Champs-Elysées

L’amateur de danse est bien chanceux. Le Théâtre des Champs-Elysées lui offre la chance de découvrir plusieurs compagnies de France dans un même spectacle. Vers quelle région son cœur penchera-t-il ? Compte-rendu... 

Giselle - M.Chaix - Ana Enriquez (Giselle) et Avery Reiners (Albrecht) – BOnR © Agathe Poupeney

Une soirée bien particulière attendait les spectateurs du Théâtre des Champs-Elysées ce 11 mars 2024. Inauguré à l’automne 2020, TranscenDanses proposait la seconde édition de FrancenDanses, événement qui réunit quelques-unes des plus grandes compagnies de France. Au programme se succédaient le Ballet de l’Opéra National du Rhin, le Ballet Preljocaj, celui de l’Opéra National de Bordeaux ou de l’Opéra National de Paris, de quoi ravir la curiosité des amateurs de danse. Ayant donné Carte blanche aux compagnies, les pièces furent minutieusement choisies par les directeurs Bruno Bouché, Angelin Preljocaj, Eric Quilleré et José Martinez afin de présenter leurs danseurs, leur technique et leur identité aux yeux des spectateurs qui brilleront pour l’un ou pour l’autre. 

La gravité de Preljocaj et la Nature de Dawson 

Gravite, Ballet-Preljocaj © JC Carbonne

Rares sont les occasions de découvrir sur une même scène, les pointures de la danse française. Sous les fresques de Maurice Denis, c’est le Ballet de l’Opéra National du Rhin, dirigé par Bruno Bouché depuis 2017, qui ouvre le bal sur l'Acte II de Giselle. Dans la chorégraphie de Martin Chaix, Ana Enrique (Giselle) et Avery Reiners (Albrecht) livrent le pas de deux si enraciné dans la mémoire des amateurs de danse dans d’autres versions. Le duo livre une performance technique mais l’on peine à ressentir l’émotion. Cette relecture (créée en janvier 2023) attise pourtant le désir de la découvrir dans son intégralité. L’on prend plaisir à retrouver le duo plus tard dans la soirée pour On the Nature of Daylight de David Dawson. Sur la musique enregistrée de Max Richter qui décuple la dimension dramatique de la pièce, les danseurs peuvent alors faire éclore une osmose intense et déchirante. L’écriture chorégraphique, ornée de nombreux portés délicats et fluides, laisse éclater leur virtuosité.  
Angelin Preljocaj présente un extrait de son ballet Gravité (créé en 2018) avec quatre des trente danseurs qui forment sa compagnie, le Ballet Preljocaj. Mirea Delogu et Clara Freschel apparaissent sous les faisceaux de lumière d'Éric Soyer, dessinant leurs musculatures saillantes. Pieds nus et les corps succinctement couverts de blanc, les artistes ne captivent l’œil que par les rotations et les rebonds traduisant le travail de recherche du chorégraphe autour de la gravitation. Antoine Dubois et Baptiste Coissieu rejoignant la scène, l’intimité de deux couples distincts dans leurs gestes se crée. Sur les notes de Chostakovitch (en bande sonore), l’on est emportés dans une exploration du mouvement jouant avec l’apesanteur. Empruntant le vocabulaire classique et contemporain, l’on reconnaît l’appartenance des danseurs à leur compagnie grâce à son écriture justement exprimée.

Quand les étoiles swinguent sur les Champs-Elysées   

Hélène Bernadou et Kylian Tilagone, Softly, As I leave you de Sol Léon & Paul Lightfoot, Ballet National Opera Bordeaux © Pierre Planchenault

Moment de grâce, le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux présente Softly, As I leave you de Sol Léon & Paul Lightfoot, créé en 1994 au Danstheater de La Haye. Sur scène, un seul projecteur illumine une boîte enfermant une danseuse. Hélène Bernadou suspend le temps dans son interprétation et transporte la salle entière dans l’expression de ses mouvements sans cesse limités par les cloisons de la cage. Précision, technicité et intensité éblouissent. Une majestueuse silhouette s’immisce du noir vers le faisceau de lumière, Kylian Tilagone apparaît. Dans la même émotion, l’amplitude de ses lignes émerveille. En solo ou en pas de deux, les danseurs s'attirent et s’évitent dans une puissante mélancolie enveloppée par les partitions de Bach et Pärt. Le grand moment de la soirée.  
Pour clôturer l’événement en beauté, l’on retrouve le Ballet de l’Opéra National de Paris dans Who Cares? de Balanchine dans une version plus dynamique et enjouée que jamais. Les quatre danseurs étoiles, en plus de leur technique irréprochable, offrent une dimension théâtrale nécessaire à la musique de Gershwin. Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio s’envoient le rythme jusqu’à laisser pétiller la danseuse dans Fascinating Rhythm. L’on suit les jambes habiles de Valentine Colosante et l’on remarque particulièrement Hannah O’Neill très à l’aise dans ce répertoire qui lui est cher (il y a tout juste un an, elle fut nommée danseuse étoile lors d’une soirée Balanchine). Claquements de doigts et balancement de hanches, les étoiles s’amusent et nous transportent même sur l’autre continent. FrancenDanses offre un petit bijou où artistes et directeurs de compagnies se rencontrent pour ne former qu’un tout le temps d’une soirée.