Gala d’ODB-Opéra, les rencontres d’un nouveau type
Tous les mélomanes connaissent le site d’ODB-Opéra où les passionnés échangent sur leur passion et avec passion ! Après un concert anniversaire qui a réuni tous les amis, les organisateurs récidivent en 2024 avec un concert-gala. Exercice réussi ? Réponse…
David Abramovitz et Héloïse Mas © Jean-Yves Grandin
En mars 2023, les amis d’ODB-Opéra, le forum des passionnés du lyrique, ont fêté les 20 ans du fameux site avec un concert anniversaire des plus joyeux ! Plus de vingt jeunes artistes prometteurs comme Camille Chopin ou Claire de Monteil et d’autres, plus chevronnés, comme Eve-Maud Hubeaux ou Fabrice di Falco avaient répondu présent à l’invitation de Jérôme Pesqué, le truculent et ultra compétent rédacteur en chef d'ODB-Opéra. Fort du succès remporté par l’événement gratuit, la fête d’anniversaire s’est transformée cette année en un gala lyrique qui s’est tenu le 16 novembre 2024, dans la même Salle Rossini de la Mairie du 9e arrondissement de Paris. Cette fois, ce sont plus de trente artistes qui se sont produits sur scène pour livrer un concert marathon des plus pertinents.
Funny Truche réduit Jérôme Pesqué au silence, un scandale !
Faustine Egiziano © Jean-Yves Grandin
Pour un jeune artiste, se faire connaître est essentiel. Malgré des actions salutaires menées par exemple par l’ADAMI, les structures permettant de rapprocher le public d’amateurs éclairés des nouveaux talents restent rares. Dans une ambiance assez unique et inattendue, les jeunes chanteurs déjà affirmés sont nombreux à s’être assuré le soutien précieux des lyricomanes, heureux de découvrir les stars de demain côtoyer celles d’aujourd’hui. Avec ce format inédit qui réunit également des artistes qui se font bien trop rares, Jérôme Pesqué résout l’équation d’un récital intergénérationnel construit comme un amical patchwork. Il est rafraichissant de baigner dans l’atmosphère sérieuse du concert très sympathique, libéré de ses codes. Les spectateurs pouvaient aller et venir sans contrainte, l’horaire d’un samedi 14h empêchant certains d’arriver à l’heure et la durée obligeant d’autres à partir avant la fin. Peut-être pour contenir le spectacle dans le raisonnable (le concert anniversaire a largement dépassé les 5 heures), l’ami Jérôme n’a pas présenté les artistes leur laissant le soin de le faire eux-mêmes. Coprésentateur en 2023, Stéphane Sénéchal s’est réservé quelques petites pastilles humoristiques en revêtant le costume de la Stromboli, prof de chant décatie et personnage haut en couleur, mais cependant moins inspiré que l’impayable soprano influenceuse Funny Truche. Lorsqu’il n’est pas improvisé, son texte fait mouche et pourrait sans doute aller encore plus loin dans la démesure. Même si la partie lyrique était la plus importante, le concert ouvert à tous les arts a accueilli la danse de Cynthia Dariane et la variété. Isabelle Carrar accompagnée par Genc Tukiçi a chanté et véritablement incarné les mots de Barbara, Aznavour et Gainsbourg.
Le roi David, des Goliath, des aspirants et beaucoup de voix…
Stéphanie d’Oustrac © Jean-Yves Grandin
Abel Zamora © Jean-Yves Grandin
Un gala se devant d’accueillir quelques grands noms, les spectateurs présents jusqu’à la fin s’enthousiasment sur le forum d’ODB-Opéra du retour de Jean-Philippe Lafont, absent de la scène depuis sa chute accidentelle en 2016 qui avait interrompu sa carrière extraordinaire, ou pour la prestation de Marc Mauillon, saluée comme « remarquable ». Stéphanie d’Oustrac laissera un souvenir des plus vifs dans l’air des lettres de Werther, qu’elle incarne comme nulle autre grâce à une intelligence du texte rarement entendu avec autant d’intensité dramatique. La mezzo s’est transformée en mutine Colette Renard pour illustrer à merveille « Les Nuits d’une demoiselle » avec la parfaite distance, beaucoup d’esprit et d’humour. La très grande classe était également dans l’accompagnement de David Abramovitz. Sensible et précis, le pianiste a joué l’évidence en solo dans la Barcarolle n°4 de Fauré et dans toutes ses parties d’accompagnateurs où l’on regrette de ne pas le voir assez souvent sur scène. Même sentiment à l’écoute d’Emmanuelle de Negri, superbe interprète des « Tristes apprêts » de Rameau et de l’aérien "C'est l'extase langoureuse" de Debussy qui a prouvé une fois de plus quelle belle artiste elle est. Il était émouvant de retrouver la délicatesse de Robert Expert (« A Chloris » de Reynaldo Hahn, tendre et simple) dans un exercice pas toujours évident pour les chanteurs qui doivent concentrer tout leur art sur un air ou deux. Fabien Hyon, ténor apprécié, s’est montré un soupçon trop démonstratif comme Héloïse Mas. La mezzo qui avait la charge d’ouvrir le concert a cependant facilement convaincu dans un répertoire qui lui va bien. Faustine Egiziano, un nom à retenir et l’une des belles révélations du spectacle, émeut dans Mozart. La soprano se montre moins captivante dans Bellini où la voix manque encore de chair pour répondre aux exigences du répertoire belcantiste. Parmi les jeunes artistes, quelques élèves ont pu se faire remarquer comme Victoria Lingbock qui s’est distinguée avec une interprétation impressionnante de « O don fatale » de Verdi. Elle devra toutefois veiller à ne pas choisir des œuvres trop ambitieuses à ce stade. Talent ADAMI 2023, le ténor Abel Zamora continue son beau parcours en nous charmant dans « Il mio tesoro » avec une maîtrise du souffle et la conduite impeccable de la ligne vocale si importante dans cet air. La voix homogène et colorée est capable de superbes nuances dans l’air de La Jolie fille de Perth de Bizet. A commencer par Maxime Neyret et Denis Dubois, impeccables accompagnateurs, il conviendrait de citer tous les artistes comme Juliette Gauthier qui nous a permis de découvrir un très bel air de Sartorio, Anne-Lise Polchlopek à la démarche assurée, Fanny Revay wagnérienne à la ligne vocale perfectible, Florent Karrer aux décibels trop généreux, l’ami Arnaud Kientz qui se joue des difficultés rossiniennes, Marlène Assayag, Coline infante, Jeanne Zaepfel et tous ceux que l’on n’a pas pu entendre. Il convient aussi malheureusement d’oublier les miaulements de Raluca Vallois hors de propos dans l’air du voile ou cet air contemporain de Bucchi à l’écriture trop prévisible. Donnons rendez-vous à tous ces artistes qui nous ont séduits et aux autres pour le plaisir et également pour la bonne action car le concert a été donné au profit de l'orphelinat Le Refuge KOL situé au Cambodge et marrainé par Sophie Koch, la grande artiste que l’on ne présente plus.
Emmanuelle de Negri et Maxime Neyret © Jean-Yves Grandin