Après la Marseillaise, Marie-Laure Garnier la cadurcienne !
La grande saison des Festivals est enfin arrivée avec ses affiches remarquables comme à Cahors où les mélomanes ont eu la chance d’applaudir Marie-Laure Garnier et le Quatuor Dutilleux. Le soleil absent dans le ciel nuageux a pourtant brillé de mille feux. Explications…
Le grand public vient de la découvrir émerveillé lors du concert du 14 juillet sous la tour Eiffel où, devant une distribution de grand luxe, elle a entamé une Marseillaise qui restera dans les mémoires. La soprano Marie-Laure Garnier a ensuite pris la route des Festivals qui l’a conduite à Cahors ce vendredi 4 août 2023. Les mélomanes du joli festival ClassiCahors l’attendaient dans la cour de la Préfecture mais les frimas de cet été capricieux ont poussé les dynamiques organisateurs à imaginer un autre lieu pour accueillir notre diva nationale et ses prestigieux compères. La parfaite acoustique de l’Eglise du Sacré-Cœur de Cahors a donc servi d’écrin aux artistes du Quatuor Dutilleux venus sublimer un concert qui restera lui aussi dans les mémoires des cadurciens et également de tous les amateurs de récitals, subjugués.
Schubert, grand cru, ouvre son cabaret à Cahors
Le programme s’ouvre sur une nouvelle page car après le récital "Life is a Cabaret" (en duo avec la l’excellente pianiste Célia Oneto Bensaid, complice de toujours), Marie-Laure Garnier nous invite au « Cabaret de Schubert » (lire la critique ici) dans une première partie consacrée au célèbre compositeur autrichien et à son contemporain allemand, Felix Mendelssohn. L’attaque délicate du célèbre « Ständchen » permet d’appréhender le Lied dans une version pour quatuor à cordes. Le raffinement de Guillaume Chilemme (premier violon de l’ensemble) fait des merveilles dans un accompagnement qui tient plus de la fusion, l’entente entre les musiciens et la soprano placée en retrait du groupe étant exemplaire. Les habitudes d’écoute pourraient faire regretter le caractère primesautier du « Abschied » légèrement affadi par les cordes mais le théâtre insufflé gomme toute réserve. Marie-Laure Garnier et le Quatuor Dutilleux vibrent à l’unisson pour interpréter « Gretchen am Spinnnrade » et surtout l’impressionnant « Der Zwerg ». Quel dommage de ne pas pouvoir goûter à la magie des mots, le programme de salle ne proposant pas le texte ! La diction impeccable de la soprano (à destination des seuls germanophones) sert le drame haletant aussi bien que l’extase comme dans « Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n », la romance extraite de Rosamunde, où un pianissimo proposé sur le fil tient l’auditoire suspendu dans les airs.
Les Dutilleux et la Garnier mettent le feu au Sacré-Coeur
Les musiciens du Quatuor Dutilleux ont maintenu le même niveau d’excellence dans le Quatuor à cordes en fa mineur op. 80 de Mendelssohn où les emportements romantiques complètent idéalement le programme. La musique maintenant sans parole mais toujours aussi expressive est jouée avec précision par chaque instrumentiste même si, quatuor romantique oblige, la virtuosité du premier violon se fait plus remarquer. Le mouvement Adagio provoque une émotion plus vive encore car elle est subtilement sollicitée par un violon sans chichi qui semble contenir ses larmes. Edith Piaf et le Quatuor Dutilleux accueillent les spectateurs après un bref entracte dans une pièce sobrement intitulée Edith, un arrangement pour quatuor de quelques tubes poignants de la chanteuse, remarquablement réalisé par David Gaillard, l’altiste de l’ensemble. « La vie en rose » et « La foule » s’ouvrent sur les « Chemins de l’amour » de Poulenc où l’on retrouve toutes les qualités de Marie-Laure Garnier qui passe allègrement d’un répertoire à l’autre. La grande voix de la soprano sait trouver le registre parfait pour distiller une légère mélancolie dans Poulenc puis une incroyable ferveur dans les Spirituals. « Nobody knows » est incarné avec un naturel et une grâce qui rappellent de grandes devancières comme Jessye Norman, une des premières à avoir hissé ces chansons d’esclaves au rang de chefs-d’œuvre lyriques. Gershwin se fond logiquement dans cet univers avec « The Man I love » susurré, d’une époustouflante sensualité. Dans cette dernière partie du récital construit en apothéose, la soprano, l’air de rien, étale une insolente santé vocale en tenant des aigus puissants tout en allégeant son chant, avant de swinguer avec entrain. Déchainés, les membres du quatuor dansent avec leur star qu’ils accompagnent avec le même naturel et de remarquables facilités. En bis, « Summertime » et une reprise de « Walk together » viennent clore un moment de générosité et de partage exceptionnels proposé par les Dutilleux et Marie-Laure Garnier, nouvelle star des sopranos françaises.