Classique c'est cool

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Les talents des 25 ans de l’ADAMI

Chaque année, l’ADAMI permet de rencontrer les grands artistes de demain. A l’occasion des 25 ans de l’institution française, c’est au Bal Blomet que les mélomanes avaient rendez-vous avec le futur. Quelle est la saveur du cru 2023 ? Compte-rendu…

Clarisse Dalles, Magdalena Sypniewski, Mélanie Laurent, Imanol Iraola, Thomas Ricart, Floriane Hasler, Johannes Gray, Samuel Bismut  © Thomas Bartel – Adami

Dans les frimas de l’hiver, les jeunes pousses qui pointent parfois le bout de leur nez font toujours l’admiration des curieux de tous horizons. Le 16 janvier 2023, les spectateurs présents au Bal Blomet à Paris, ont vu éclore les talents en herbe de l’ADAMI, à l’occasion de ses 25 ans. L’indispensable institution française qui gère et défend les droits des artistes-interprètes, invite chaque année huit jeunes artistes confirmés (quatre solistes et quatre chanteurs) pour les accompagner dans leur début de carrière. Grâce à la redevance pour copie privée, la société civile pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes assure la promotion et l'accompagnement des artistes avec la production de concerts comme celui prometteur, du Bal Blomet.

Choisir un terreau fertile pour permettre l’épanouissement

Magdalena Sypniewski © Thomas Bartel – Adami

Après un petit mot introductif plein de chaleur de Anne Bouvier, présidente du conseil d'administration de l’ADAMI, la harpiste Mélanie Laurent a ouvert le bal avec « Une châtelaine en sa tour ». La charmante pièce de Gabriel Fauré est suffisamment chantante pour permettre d’apprécier les atouts de l’interprète dans l’acoustique un peu sèche du Bal Blomet qui accentue quelques duretés. Le choix du répertoire est essentiel surtout lorsque l’on se présente devant un public qui découvre la plupart des musiciens. « Les tringles des sistres tintaient » extrait de Carmen est un air trop connu pour échapper aux comparaisons et malgré tout le potentiel de Floriane Hasler (qui intègre la promotion 2023-24 de Génération Opéra), la mezzo-soprano passe à côté avec une diction perfectible et une tenue sur scène inadéquate. La nervosité du premier air passée, fort heureusement, la jeune femme convainc sans réserve dans le duo mozartien de Cosi fan tutte de la deuxième partie. Mozart est toujours un solide partenaire pour les artistes mais en choisissant « Porgi amore... » des Nozze di Figaro, Clarisse Dalles s’aventure elle aussi sur un terrain où les voix les plus phonogéniques hantent encore les mémoires. Le timbre de la soprano manque d’homogénéité et, attaquée timidement, la belle phrase de la Contessa Almaviva peine à s’épanouir. On ne quitte pas l’Espagne avec « Alborado del gracioso » de Ravel qui met la technique et l’interprétation de Samuel Bismut en valeur. Même s’il a avoué préférer d’abord Debussy avant de découvrir Ravel, le jeune pianiste a assurément des choses à dire dans ce répertoire où son jeu ciselé est au service d’une personnalité affirmée.

Plantes grimpantes, promesse de Fleurs

Thomas Ricart © Thomas Bartel – Adami

Samuel Bismut a ensuite rejoint ses partenaires Magdalena Sypniewksi (violon) et Johannes Gray (violoncelle) pour jouer à l’unisson, le très bel andante mosso des Drei russische lieder de Glinka. Le violoncelliste a ensuite interprété le Pezzo Capriccioso de Tchaikovsky. Johannes Gray trouve une belle inspiration dans le mouvement triste malgré les couleurs un peu grises de son instrument. La partie rapide et sa virtuosité plutôt convaincante vivifient l’ensemble. Dans le premier duo de Roméo et Juliette « Ange adorable », la soprano Clarisse Dalles a ensuite donné la réplique à Thomas Ricart posé, une fois n’est pas coutume, au balcon ! Le ténor négocie la partition de Gounod avec beaucoup d’élégance, notamment dans un aigu en voix de tête très joliment placé. Tout semble sourire au jeune artiste (actuellement membre de la prestigieuse Académie de l’Opéra national de Paris) qui a choisi l’opérette et l’air solo de Sou-Chong en allemand, « Dein ist mein ganzes Herz » extrait du Pays du Sourire (Das Land des Lächelns) de Franz Lehár. Un léger accent français ne dissipe pas le charme renforcé par une vaste palette de couleurs. Un artiste à suivre de près comme Magdalena Sypniewksi qui a su trouver le ton juste dans une pièce virtuose. La Tarentelle d’Henryk Wieniawski, très démonstrative, exige une maîtrise mais également un sens des couleurs. La violoniste affirme déjà une personnalité et un métier impressionnant. Pendant l’agréable soirée animée avec légèreté et professionnalisme par notre collègue Tristan Labouret, les interprètes ont confié quelques anecdotes permettant de mieux faire leur connaissance. Le baryton Imanol Iraola ne manque pas d’humour dans ses propos comme sur scène. Avec l’air de Vertigo « A tous les métiers, moi j'excelle! » composé par Offenbach, il se montre naturel et se sert de ses talents de comédiens pour mettre en valeur une voix encore petite. En fin musicien, il a donné délicatement la réplique à Floriane Hasler dans le duo de Cosi, solidement accompagné par Sophie Teulon. Après un extrait du premier trio de Mendelssohn, les artistes réunis sur scène sous une pluie de rose ont entamé en bis  « Tonight » de West Side Story. Cette soirée était leur soir, le premier d’une longue série que l’on souhaite la plus féconde possible.