Dernière Turandot des 99 ans décevante aux Arènes de Vérone
Le mélomane voyageur ne peut faire l’impasse sur une représentation de Turandot aux Arènes de Vérone. Le Festival quasi centenaire assure le spectacle avec des productions époustouflantes mais parfois une affiche décevante. Explications…
Tout mélomane rêve d’assister un jour à une représentation d’opéra dans les arènes de Vérone. Depuis 99 éditions, l’impérial amphithéâtre du Ier siècle accueille les spectacles monumentaux pour des festivaliers souvent médusés par la majesté de l’endroit. A scène grandiose, spectacles surdimensionnés, les titres proposés sont choisis parmi les plus spectaculaires pour combler les attentes. Turandot de Puccini fait partie des œuvres souvent représentées à Vérone avec quelques grands noms d’artistes qui ont fait les belles affiches de la saison 2022. Lorsque l’on propose une cinquantaine de dates étalées sur deux mois et demi, il arrive comme dans n’importe quelle saison que des soirs soient moins bons que d’autres. Sans rien enlever à la qualité des événements programmés, il semble que la Turandot du 2 septembre 2022 ne restera pas dans les souvenirs.
Rien ne sonne juste pas même Calaf
Et pourtant tout avait bien commencé dans l’ambiance si particulière du Festival des arènes. Telles des fourmis agitées, les ouvreuses ont placé festivaliers et touristes venus très habillés ou en short/ baskets voir la production féérique de Franco Zeffirelli. Comme le veut la tradition, un timbalier costumé en mandarin est venu sonner les gongs pour annoncer le début imminent de l’opéra sous les crépitations des derniers flashs des téléphones portables. La scène d’ouverture très chargée nous plonge dans une Chine de péplum où rien ne manque, dragons de carnaval, acrobates ou jeunes bonzes tonsurés pour de faux. Un opéra peut être un grand show mais pour le mélomane averti, le plus intéressant reste presque toujours la voix. Première déconvenue, Yonghoon Lee dans le rôle de Calaf rate son entrée en chantant bas. Le ténor, star du Metropolitan Opera, n’est pas réputé pour la finesse de son jeu d’acteur et, livré à lui-même sur l’immense plateau de l’amphithéâtre romain, il caricature un rôle avec des postures d’un autre temps. La prestation vocale manque de précision même si la machine à notes aigues fonctionnant plutôt bien, son « Nessun dorma » a été bissé.
La reine de glace ne réchauffe pas les coeurs
Plus gênante, la prestation d’Oksana Dyka dans le rôle-titre appelle de sérieuses réserves. Surdimensionnée pour les moyens actuels de la soprano, la partition l’oblige à détimbrer ses aigus la faisant parfois passer du chant au cri. Ainsi déséquilibrée, la représentation bascule vers un spectacle où l’émotion s’efface en faveur du show, dans une température extérieure qui s’est rafraichie rapidement. Petit format vocal, Ruth Iniesta (Liù) est quasi inaudible ce soir à Vérone même si la prestation est correcte comme celle de Riccardo Fassi, Timur pourtant bien effacé. Restent les Ping, Pong, Pang convaincants de Matteo Mezzaro, Riccardo Rados et surtout Biagio Pizzuti qui arrive à composer un personnage. Les costumes d’Emi Wada sont somptueux et comme les décors de Franco Zeffirelli, ils impressionnent. La mise en scène se contente d’être une mise en espace où chaque protagoniste se place selon une chorégraphie bien huilée. Ce sont les mouvements qui font le théâtre comme celui inquiétant de Chris Merritt (Altoum soutenu par ses assistants), pas les interprètes. Fort heureusement, le chef Francesco Ivan Ciampa à la tête d’un orchestre de grande qualité sait partager une vision dramatique dans sa direction. Très attentif aux climats, il installe un tapis sonore et, avec une vraie intelligence lyrique et de nombreux moments de grande beauté musicale, il sauve la soirée. Malgré la déconvenue côté chanteurs, ce qui peut arriver parfois, la Turandot de Vérone reste un spectacle fabuleux à voir au moins une fois dans sa vie.