Classique c'est cool

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Rameau et la Platée des références au Palais Garnier

Avec un soleil brûlant dans le ciel, les derniers feux d’une brillante saison à l’Opéra national de Paris continuent d’entretenir l’intérêt. Et si la reprise de Platée de Rameau avec Lawrence Brownlee était le spectacle le plus chaud de 2021-2022 ? Compte-rendu…

Platée – Opéra national de Paris 21-22 © Guergana Damianova

Depuis la redécouverte de la partition dans les années 50 et surtout depuis la révolution baroque, Platée, la célère grenouille de Rameau, fait les beaux jours des salles d’opéra comme au Capitole de Toulouse en mars dernier. Lorsqu’il fait 35° à l’extérieur, plonger dans la mare des batraciens peut être vraiment vivifiant. L’héroïne peut même grimper sur l’échelle de son bocal pour chanter allégrement « Que ce séjour est agréable » surtout parce que le Palais Garnier affiche pour la 55ème fois, la mise en scène iconique de Laurent Pelly, créée en 1999. Ce vendredi 17 juin 2022, les spectateurs ont eu la chance de retrouver Marc Minkowski dans la fosse comme lors de la création. Le temps est passé blanchissant les cheveux du chef d’orchestre et pourtant la production reste d’une fraîcheur exemplaire.

23 ans plus tard, une direction de jeune homme

Platée – Opéra national de Paris 21-22 © Guergana Damianova

La musique de Rameau n’a plus aucun secret pour Marc Minkowski. Voilà bien longtemps que le grand spécialiste du compositeur dijonnais a jeté les jalons d’un interprétation moderne sur instruments d’époque. Son sens du rythme, ses phrasés percutants et les incroyables couleurs rendent cette partition (et toutes celles que le chef d’orchestre a abordées) tout simplement géniale. Le plus admirable est sans doute la compréhension du texte musical et tout particulièrement de ses sous-entendus irrésistibles. 23 ans plus tard, on retrouve la même précision dans les rangs des Musiciens du Louvre, la même folie créative qui s’emballe dans une tempête d’anthologie. Une belle adresse s’entend également dans les chœurs de l’Opéra national de Paris qui malgré quelques voix au timbre trop audible se prêtent joyeusement au jeu proposé par un metteur en scène au sommet de son art. La production de Laurent Pelly a connu quatre reprises depuis sa création. L’émerveillement est toujours au rendez-vous pour cette cinquième où l’on redécouvre avec délectation les chorégraphies déjantées de Laura Scozzi et les décors de Chantal Thomas. La salle du Palais Garnier gagnée par les mousses et les lichens n'a point perdu cette vêprée, son charme intemporel. Les costumes de Laurent Pelly qui définissent si bien un style n’ont pas pris une ride.

« Only you and you alone » de Platée

Platée – Opéra national de Paris 21-22 © Guergana Damianova

En rendant lisible un prologue jugé dispensable dans d’autres salles, le metteur en scène habite la musique de Rameau et offre une scène en plus où se distingue Mathias Vidal. La Platée de Toulouse trouve ses marques dans le rôle de Thespis entouré de ses acolytes à la diction admirable. Alexander Neef a choisi avec acuité une distribution internationale et néanmoins francophone. D’autres grands noms du chant baroque se partagent la scène comme Reinoud Van Mechelen, parfait Mercure qui, étonnamment, fait ses débuts à l’Opéra national de Paris. Ancien résident de l’académie, Nahuel di Pierro est plus habitué à Garnier et Bastille où la ligne vocale et son beau chant ne cessent de séduire, tout comme le Jupiter bien timbré de Jean Teitgen. Dans le double rôle payant de L'amour et de Clarine, la soprano Tamara Bounazou se fait remarquer même si la justesse de la superbe ariette "Soleil, fuis de ces lieux" est encore hésitante. Avec la véhémence attendue dans le rôle de Junon, Adriana Bignagni Lesca donne de la consistance à son personnage. Affublé de perruques improbables et révélant de nouveau son tempérament comique, Marc Mauillon est irrésistible en Momus. Restent les deux grands personnages de Platée qu’il convient de distribuer avec assurance. Même si le souvenir laissé par Mireille Delunsch est si profondément marqué qu’il est indélébile, la soprano Julie Fuchs est une folie (et une Thalie) absolument convaincante qui s’amuse avec les excès d’un rôle qu’elle a déjà tenu en 2015. Vocalement, les difficultés sont survolées et tout le brillant d’un chant clair explose sur scène avec un humour ravageur. « Last but not least », le ténor américain Lawrence Brownlee qui fait partie du cercle restreint des stars du bel canto connait des débuts fracassants dans le rôle de Platée. Le comédien tire profit de toutes ses scènes avec un comique ravageur (alors qu’apparemment, il ne parle pas le français !). L’accentuation des « oi » accroit la personnalisation du batracien qui s’humanise pour finalement émouvoir dans une scène finale rarement aussi déchirante. La technique belcantiste lui permet de se jouer des nombreux pièges de la partition avec des aigus stratosphériques (principalement en voix de poitrine) et des graves à effet comique. La prestation de Lawrence Brownlee qui s’inscrit dans la grande réussite du spectacle avec la mise en scène et la direction musicale exemplaires peut elle aussi devenir une référence. Une reprise à ne pas louper que les internautes pourront voir gratuitement en direct, le 21 juin 2022, à l'occasion de la Fête de la Musique, sur la plateforme l'Opéra chez soi, à 19h30 !