Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid duo spiritual
Annoncés, annulés puis reprogrammés, certains récitals ont été attendus plus que d’autres. En retrouvant le chemin de l’Athénée, les mélomanes patients ont été récompensés. Ils y ont même gagné un petit supplément d’âme. Explications...
Le très beau théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet est un écrin de choix pour accueillir les récitals. Les mélomanes se souviennent des « Lundis musicaux », la série lancée par Pierre Bergé dans les années 70. Depuis 2014, sous l’impulsion du jeune et perspicace directeur artistique (et célèbre pianiste) Alphonse Cemin, le cycle renoue avec les grandes voix en proposant tous les ans une petite dizaine de rendez-vous. Il y avait de l’amour dans l’air ce 14 février 2022 avec des spectateurs venus seuls ou accompagnés un soir de Saint-Valentin pour assister à un concert pas comme les autres. Le duo formé par la soprano Marie-Laure Garnier et la pianiste Célia Oneto Bensaid a choisi de faire dialoguer des mélodies de Poulenc et de Messiaen avec des negro-spirituals.
L’esprit des spirituals
Même si le programme très intelligemment construit n’est pas sans rappeler les grandes heures d’une Jessye Norman, il est rare que des artistes françaises s’aventurent sur les terres américaines où les champs de coton gardent le souvenir du chant des esclaves. Le lien entre les oeuvres est pourtant là avec des arrangements voix/piano de ces superbes morceaux a capella réalisés par Moses Hogan, Hall Johnson ou H. T. Burleigh, exacts contemporains de Francis Poulenc ou d’Olivier Messiaen. Les textes aux connotations religieuses sont un autre pont évident jeté entre des mondes rapprochés. Comme lors des récitals de la grande diva américaine déjà évoquée, Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid ont interprété des tubes mais également des pièces moins fréquentées comme les trois extraits des Poèmes pour Mi ou des mélodies de Poulenc plus rares. Servie avec une telle justesse, la musique complexe de Messiaen trouve des charmes inattendus. L’enchaînement si naturel (et parfois sans pause) avec les spirituals suscite un étonnement admiratif.
Amour, love et amor, amor, amor...
Une belle énergie se dégage de la scène dès l’entrée des deux jeunes femmes superbement vêtues de blanc. Agréablement commenté, le récital a pris une couleur plus intime avec des tonalités très touchantes notamment lorsque la soprano a évoqué les valeurs de fraternité, de spiritualité et d’espérance. Avec sa diction exemplaire aussi bien en français qu’en anglais, l’artiste nous fait gouter chaque mot avec un sens inné du théâtre. Les spirituals se redécouvrent comme autant de petites scènes avec une grande variété d’émotions. Comme « Prier pour Paix » de Poulenc, « He's got the whole world » tire bénéfice d’une simplicité de la déclamation. Et même si quelques aigus sonnent parfois métalliques, la voix impressionnante de Marie-Laure Garnier qui, sur une vaste étendue, sait tour à tour rugir ou se faire chuchotement ne craint pas un piano grand ouvert. La complicité évidente des deux artistes permet le plein épanouissement des notes de Célia Oneto Bensaid qui hisse les arrangements au même rang que les compositeurs français déjà reconnus. L’unisson se retrouve également dans deux bis plus décontractés (« Amor » de Bolcom et « Summertime » de Gershwin). Les artistes font chanter leur public conquis qui repartent l’air dans la tête, sourire sur les lèvres et complètement amoureux. « Songs of Hope », l’enregistrement de ce programme est à paraître en mars 2022 chez NoMadMusic, label toujours avisé qui nous fait là un autre beau cadeau de Saint-Valentin.