Vibrant hommage de l’Orchestre de Chambre de Paris à Lars Vogt
Il n’est pas facile de se rendre dans une salle de spectacle après un décès comme celui de Lars Vogt, directeur musical de l’Orchestre de Chambre de Paris. Les musiciens et ses amis lui ont rendu le plus beaux des hommages. Compte-rendu…
La couleur noire des tenues des musiciens de l’Orchestre de Chambre de Paris revêt ce soir du mardi 4 octobre 2022, une signification particulière. Il y a un mois quasiment jour pour jour disparaissait Lars Vogt, pianiste et directeur musical de l’ensemble, foudroyé par la maladie à 51 ans. Le cancer qu’il avait rendu public en février 2021 et qu’il a combattu jusqu’au bout, n’a jamais empêché cet artiste généreux et enthousiaste de se produire sur scène et d’imaginer son futur. Un concert Mendelssohn était d’ailleurs programmé à la Philharmonie de Paris ce 4 octobre. Malgré le deuil, la salle et l’Orchestre ont décidé de maintenir la date pour accueillir les amis de Lars Vogt, venus lui rendre un vibrant hommage.
Un concert hommage avec larmes et émotion
Le concert singulier s’est ouvert sur un moment d’intimité avec la voix de Lars Vogt résonnant dans la salle avec des mots bienveillants pour les membres de l’Orchestre, profondément émus comme toutes les personnes présentes ce soir. Le désarroi laissé par une disparition si brutale pouvait se voir dans les regards vides des musiciens et les têtes baissées pour voiler l’émotion. Le chef Daniel Harding venu diriger le concert hommage s’est glissé discrètement sur le podium comme pour ne pas effacer trop vite le souvenir de celui qui était à cette place quelques mois auparavant. Il a été difficile de retenir ses larmes avec la Maurerische Trauermusik K. 477 de Mozart. Composée pour deux de ses frères de loge, l’oeuvre illustre bien l’élan de compassion avec les musiciens qui ont perdu un des leurs. La première rencontre de Lars Vogt avec l’Orchestre de Chambre de Paris a eu lieu en décembre 2018 au Théâtre des Champs-Elysées. Pianiste de renom, il fait ses débuts comme chef encouragé par Simon Rattle et prend la direction du Royal Northern Sinfonia à Newcastle, avant de devenir le directeur musical de la phalange française en 2020. Pour ce concert hommage, ses amis prestigieux se succèdent sur la scène de la salle Pierre Boulez. Ian Bostridge, avec profondeur et un art consommé de conteur interprète « Wo die Schönen Trompeten blasen“ (extrait de Des Knaben Wunderhorn de Gustav Mahler). La tonalité douce et moins dramatique de la Romance pour violon de Dvořák offre une parenthèse mélancolique. Christian Tetzlaff trouve la simplicité pour jouer cette œuvre qui n’appelle que le dépouillement pour toucher au plus profond. La présence du violoniste rappelle le fidèle partenaire de musique de chambre qu’il a été aux côté du pianiste disparu. Son intense accolade au chef et au premier violon est un geste déchirant de fraternité. Musiciens, solistes, chef et spectateurs, tous pensent à Lars Vogt et l’Adagio contemplatif de la Symphonie No. 2 de Schumann accompagne le sentiment de tristesse. Dans un moment de partage comme celui-ci, il serait indélicat de pointer des imprécisions d’un orchestre emporté par Daniel Harding qui, dans un geste généreux et enveloppant, exalte la beauté de la musique.
Musiciens, artistes et public, tous les amis réunis
Dvořák ouvre la deuxième partie du concert, cette fois avec le violoncelliste Alban Gerhardt, interprète tout en douceur et en rondeur de la courte pièce Silent Woods. Ensuite, Along the field, rare cycle de mélodies de Ralph Vaughan Willliams ne sollicite que la voix de Ian Bostridge et le violon de Christian Tetzlaff dans un dénuement où le charme opère. Les chansons populaires avec une spontanéité qui rappelle les pubs londoniens renferment des parfums plus délicats d’abandon et de mélancolie, élégamment distillés par le ténor avec sa diction idéale. Paul Lewis le suit sur scène pour le 3ème mouvement Adagio, extrait du Concerto pour piano No. 1 de Brahms, dans un tempo alangui par Daniel Harding, léger. Recueilli, l’artiste entre dans cette « symphonie avec piano» délicatement sans oublier la rigueur et une verticalité qu’il sait faire exploser parfois. Pour conclure, Ian Bostridge porte les mots du Lied de Schubert « Nacht und Träume » superbement orchestré par Max Reger. Le chef étire la phrase et place ainsi la voix dans un autre monde, un éther où flotte sans doute l’âme de Lars Vogt, trop tôt envolée. L’Allegro de la Symphonie No. 2 de Schumann (superbement dirigé par le chef) entraine vers les sourires de la vie qui reprend, tout en gardant toujours le souvenir de ceux qui ne sont plus là. L’hommage rendu à Lars Vogt, moment de partage et de temps suspendu, a été une déclaration d’amour du public pour un ensemble qui lui est cher. Présents pour partager la douleur aux côtés des artistes si familiers, tous repartent les cœurs enlacés après une ovation debout et quelques sanglots poignants. Adieu monsieur Vogt et merci pour toutes ces émotions !