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Simone Young entre sagesse et folie à la Philharmonie de Paris

En attendant ce que tous les mélomanes attendent, une poignée de journalistes privilégiés peuvent témoigner que la musique vivante n’a pas disparu. Filmé, l’Orchestre de Paris dirigé par Simone Young jette un pont vers les spectateurs confinés. Compte-rendu…

Simone Youg © Mathias Benguigui / Pasco And Co - Orchestre de Paris

Les salles sont vides et pour combien de temps encore ? nul ne sait ! En patientant pour un retour à la normale désespérément attendu, certains concerts peuvent avoir lieu sans public, comme ceux de l’Orchestre de Paris. Les mélomanes présents devant les écrans de Philharmonie Live ce mercredi 18 novembre 2020 auront l’opportunité de réécouter le concert dirigé par Simone Young sur Radio Classique, le samedi 28 novembre ou de profiter d’une rediffusion à la demande disponible sur l’abondant site de la Philharmonie, jusqu’au 18 mai 2021. Au programme, la Symphonie No. 4 de Brahms était complétée en première partie par les Quatre derniers lieder (Vier letzte Lieder) de Richard Strauss interprétés par la grande voix de Elza van den Heever. 

Strauss côté grande voix

Simone Youg, Elza van den Heever © M. Benguigui / Pasco And Co - Orchestre de Paris

 Privée de spectateurs, acteurs importants de son exceptionnelle acoustique, la vaste salle résonne différemment comme on l’imagine avec une disposition inhabituelle. Dédoublée, la scène qui empiète sur les premiers rangs du parterre permet l’étalement des membres masqués de l’Orchestre de Paris, à bonne distance les uns des autres. Un hasard du calendrier veut qu’un an et un mois plus tôt, le chef d’œuvre de Strauss était déjà à l’affiche d’un concert de l’Orchestre de Paris dirigé par François-Xavier Roth avec la soprano Lise Davidsen. Comparaison n’est pas raison et pourtant les deux solistes sont considérées comme les nouvelles stars wagnériennes. Ces sopranos dramatiques s’inscrivent dans la lignée des Kirsten Flagstad et Jessye Norman moins dans celle des Elisabeth Schwarzkopf ou Lisa della Casa. Le puissant volume aide la voix à passer sans aucun mal la masse orchestrale même si le grave étonnamment s’amenuise dans le cas d’Elza van den Heever. Il y a certes des moyens vocaux avec une belle longueur de souffle qui procurent de très beaux moments de musique mais plutôt instrumentaux, le texte passant souvent au deuxième plan. On retrouve avec bonheur les instrumentistes toujours inspirés de l’Orchestre même si la vision de la cheffe australienne diffère assez radicalement de celle de Roth. Simone Young s’embarrasse moins de détails pour appréhender la musique de Strauss comme un tout plutôt qu’une addition d’individualités.

 Vous avez dit Brahms ?

Simone Youg © Mathias Benguigui / Pasco And Co - Orchestre de Paris

 Cette honnête prestation dans le chef-d’œuvre de Strauss va changer du tout au tout avec Brahms. Dans le premier mouvement de la Symphonie No. 4, on retrouve tout d’abord la même approche avec une vue d’ensemble intéressante mais sans trop de raffinements. Les quelques effets de tension sont justement dosés et rendent le discours franc et bien charpenté. Et puis dans les toutes dernières mesures, la battue de la cheffe qui dirige sans partition s’emballe. Cette précipitation devient haletante et l’on comprend alors que les variations de rythme vont rendre le concert assez inédit pour ceux qui connaissent, eux aussi, leur Brahms par cœur. Le deuxième mouvement métronomique et quasi statique plonge dans un sorte d’hypnose malgré quelques attaques pas toujours très nettes. Des effets surprennent également dans le troisième mouvement avec une énergie et un parti pris très intéressant qui fait basculer le dernier mouvement dans une espèce de folie d’un Brahms qui ose.

Passant allègrement d’un répertoire à l’autre, la cheffe australienne pionnière pour ses collègues féminines, poursuit une carrière exemplaire. Après avoir été, entre autres, directrice artistique d’Opera Australia, elle vient d’être nommée à la tête du Sydney Symphony Orchestra. Dès que cela sera à nouveau possible, une chose est sûre d’un côté ou de l’autre de la planète, les mélomanes curieux continueront à la suivre.