Classique c'est cool

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A la découverte d'un lieu à Paris où soufflent les esprits

La vie du mélomane est parsemée de petits plaisirs liés souvent à la découverte ou la redécouverte d’une œuvre, d’un compositeur aimé ou parfois même d’une salle. 
Il est des lieux mythiques que les parisiens ont eu le snobisme délicat d’oublier, considérant que, pour s’ancrer dans la modernité, rien ne vaut de nouveaux espaces. Dans le 9ème arrondissement de Paris, non loin de la rue Sainte-Cécile, la sainte patronne des musiciens, existe toujours la salle de l’ancien conservatoire, l’une des premières salles de concert de l’Histoire, inaugurée en 1811. C’est ici même que le public français découvrira les symphonies de Beethoven et surtout, les créations d’un certain Hector Berlioz !

© Laurent Prost

Après une rénovation en 1985 et une mise aux normes de sécurité, la jauge de 1000 places est retombée à 450 environ. Depuis deux saisons, l’ensemble baroque Le Palais Royal (formé en 2004) a sa résidence dans ce très beau lieu et s’y produit régulièrement. Habitués du répertoire baroque, classique et romantique, les musiciens jouent sur instruments d’époque, choisis en fonction des œuvres.

Trois pièces étaient au programme du concert du 5 novembre 2014, intitulé « L’esprit français ». L’effectif semble un peu léger pour donner toute sa vigueur à la suite pour orchestre d’Hippolyte et Aricie de Rameau même s’il nous réserve de beaux moments, notamment le « Bruit de tonnerre » ou grâce à de jolies interventions du basson, tout en liberté. Le chœur manque un peu de théâtralité mais il donnera le meilleur de lui-même dans les pièces religieuses car c’est dans le grand motet « Super Flumina Babilonis » de de Lalande et surtout dans le Requiem de Campra que la finesse de l’interprétation se fera le mieux sentir. Fait remarquable et très agréable, le chef Jean-Philippe Sarcos introduit les œuvres en s’adressant directement au public, de façon érudite et pédagogue. Rappelant l’importance de la danse dans la musique française du XVIIIe, il n’en porte pas moins une attention toute particulière aux couleurs de son orchestre. Sa direction souple nous plonge dans une ambiance religieuse, aidé par un septuor de solistes d’où flotte la voix pure de dessus de la soprano Hasnaa Bennani, une artiste à suivre.

Le Requiem de Campra offre des moments de grâce (notamment dans l’Agnus Dei) mais également un étrange Domine Jesu Christie dont les dissonances rappellent le trio des Parques d’Hippolyte et Aricie, comme un écho à l’oeuvre de Rameau qui a ouvert le concert. Hantant certainement l’ancien conservatoire, l’âme de Berlioz n’est plus seule depuis que Le Palais Royal et Jean-Philippe Sarcos évoque de si beaux esprits.