La métamorphose de Giselle en 2D
Fort du succès inattendu du "Black Swan" de Darren Aronofsky ou du "Pina" de Wim Wenders, le cinéma ose une nouvelle incursion dans la danse avec Giselle de Toa Fraser qui sort le vendredi 12 décembre sur les écrans français.
Le célèbre ballet classique sur la musique d’Adolphe Adam est filmé, dans son intégralité, dans la chorégraphie de Johan Kobborg et Ethal Stiefel (d’après Petipa, comme il se doit) pour la compagnie du Royal New Zealand Ballet. Le film n’est pas la captation d’une représentation mais du vrai cinéma avec une volonté de mise en scène, ce qui en fait certainement son premier atout. Le deuxième serait d’avoir fixé pour l’éternité, les émois de Qu Huan, danseur étoile de la compagnie et de la belle Gillian Murphy, étoile de l’American Ballet Theatre. Pour ce que l’on peut en juger, leur prestation est digne d’éloge même si l’exercice critique trouve ici sa limite car l’expérience de la scène n’a rien à voir avec les deux dimensions de l’écran. Il manque tout simplement de l’espace pour que la danse puisse se vivre dans toute son essence, à savoir l’art du mouvement. La caméra serre souvent les visages, rendant presque étrange le maquillage outré et les expressions des visages. A la scène, les danseurs sont obligés de forcer le trait pour que les spectateurs puissent voir de loin. Sur l’écran, on se croirait revenu au temps du cinéma muet, ce qui n’empêche pourtant pas la force de l’histoire de Giselle de vous emporter dans l’émotion. La caméra suit de près les deux danseurs comme deux héros romantiques dans les décors carton-pâte de la production néo-zélandaise.
Même si le cadre enferme souvent les mouvements des danseurs (certains sauts ont lieu hors champs), la fluidité et les gros plans sur certains détails (une fleur, le geste de la main) apportent un plus. L’on regrettera que le réalisateur n’ait pas osé plus, en sortant du cadre strict de la représentation, comme il le fait dans la plus belle scène du film. Le fantôme de Giselle, nouvelle Willi, tourne autour de son amoureux qui la sent mais ne la voit pas. Elle se révèle enfin à lui dans un pas de deux où les portés s’enchaînent. Toa Fraser filme alors le couple en répétition, dans l’épure du geste brut. Dépouillée de toutes lourdeurs, la danse émerge enfin dans la simplicité de l’émotion.
Il est à souhaiter que cette Giselle puisse être vue par les spectateurs avides de danse classique et n’ayant pas l’opportunité de pousser la porte des théâtres. Ce film est fait (et joliment filmé) pour eux. Les amateurs de tutus et de pointes, abonnés du Palais Garnier, attendront toujours le grand film moderne sur la danse classique.
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