Le prestigieux Festival de Pâques d’Aix-en-Provence
Bien sûr, il y a déjà le célèbre Festival International d’Art Lyrique. Pourtant Aix porte en son sein une autre manifestation. Et si le petit dernier âgé de six ans était déjà un rendez-vous incontournable ? Du prestige, il y en a aussi au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Explications…
La France est le pays des Festivals. Comme champignons après la pluie, grâce à une politique culturelle favorable, ils poussent sur tout le territoire. Depuis maintenant plus de trente ans, les historiques comme les Chorégies d'Orange ou le Festival de Besançon ont été rejoints par d'autres manifestations prestigieuses ou plus petites, toujours portées par l'enthousiasme de leurs organisateurs souvent bénévoles. L'Europe n'est pas avare de grands rendez-vous pour la musique classique et les exemples sont nombreux comme le célèbre Salzburger Festspiele. Herbert von Karajan (qui après Richard Strauss a sans doute apporté encore plus de notoriété à la ville de Mozart) a eu l'idée de faire durer le plaisir en créant l'Osterfestspiele.
Abondance de biens ne nuisant pas, les festivaliers ont trouvé là une nouvelle occasion de s'adonner à leur addiction de lyricomane. Curieusement, la période de Pâques est restée assez désertée par les organisateurs de concerts français. Bien sûr, il existe des festivals au printemps (comme à Deauville) mais rien de comparable avec le grand frère autrichien. La très bonne opportunité a été saisie par une ville de renom qui a créé voilà six ans seulement, un grand et beau Festival de Pâques.
Aix-en-Provence possède tout pour elle : des musées, des infrastructures hôtelières et cette douceur printanière qui ravit toujours les visiteurs du nord de la Loire. L'atout majeur du Festival est sans aucun doute la renommée des artistes qui le fréquentent en commençant par celle de son directeur artistique, le grand violoniste Renaud Capuçon. L'on imagine que seul une personnalité de cette envergure pouvait réunir une liste aussi impressionnante d’artistes comme Martha Argerich, András Schiff ou Daniel Barenboim pour n'en citer que trois. Pendant deux semaines, le programme se déploie entre les concerts du soir et ceux de la journée avec des rendez-vous à succès comme des master classes (confiées cette année à la célèbre flûtiste Juliette Hurel et à Gérard Poulet, l’illustre violoniste) ou comme la série Génération@Aix toujours très populaire. Elle aura porté chance à des jeunes artistes comme Edgar Moreau, Victor Julien-Laferrière, Kian Soltani ou David Kadouch.
À Aix, ce qui prime avant tout est l’ambiance harmonieuse qui règne dans la capitale provençale où l’on croise des spectateurs venus des quatre coins du monde. Il n’est pas rare d’entendre au petit-déjeuner des fervents amateurs débriefer le concert de la veille ou même de croiser quelques artistes commentant leur propre prestation !
Que s’est-il passé au Grand Théâtre de Provence ?
Point central des manifestations, le Grand Théâtre de Provence accueille dans ses douces rondeurs les grands concerts. Du Vendredi saint au lundi de Pâques, nous avons eu la chance de voir défiler sur sa scène entre autres, Raphaël Pichon, Julian Prégardien, Yefim Bronfman, Truls Mørk, Alain Altinoglu avec la troupe du Wiener Staatsoper… Les bonheurs ont été multiples. Deux spectacles feront d’ailleurs l’objet d’une critique plus détaillée. L’acoustique multiforme de la salle se prête de bonne grâce à la musique symphonique, à l’opéra, au récital et au baroque avec des réussites inégales. Elle aura sans doute empêché le grand pianiste Yefim Bronfman d’épanouir pleinement son jeu lors de son récital du 31 mars 2018. Techniquement impressionnant, l’artiste a particulièrement brillé dans le precipitato de la septième sonate de Prokofiev et un Clair de lune de Debussy maîtrisé dont il manquait malgré tout l’abandon nécessaire pour convaincre tous les publics. Il est toutefois heureux de pouvoir applaudir en France ce grand pianiste, star internationale.
Le lendemain 1er avril, le violoncelliste Truls Mørk dans le magnifique concerto d’Elgar a placé le concert sous le signe de la sensibilité. Le premier mouvement très émouvant a permis d’apprécier le grand talent de l’artiste, lui aussi trop absent des scènes françaises. Pour l’accompagner, le Luzerner Sinfonieorchester malgré ses 200 ans d’existence est composé de jeunes et sémillants musiciens. Le plus vieil orchestre suisse dirigé par James Gaffigan a ouvert le spectacle avec un solide adagio de Barber. Le chef américain a ensuite mené avec la même rigueur la deuxième symphonie de Brahms, usant de tempi toujours très fluides. Sa lecture convaincante était animée, vivante et très dansante. Le beau succès remporté confirme que l’artiste de 39 ans est l’une des valeurs sûres à suivre, indéniablement…
Il aura fallu à regret quitter les festivités d’Aix qui continuent jusqu’au 8 avril mais nous garderons précieusement en souvenir tous ces superbes concerts comme autant de grands moments passés au Festival de Pâques 2018.