Hommage brahmsien à Zoltán Kocsis au Müpa de Budapest
La ville de Budapest est une excellente destination musicale qui offre aux mélomanes un grand nombre de concerts de musique classique de haute qualité. Le week-end de l’Ascension 2017 a été particulièrement propice pour découvrir le Müpa Budapest, sorti de terre en 2005. Tout de bois et de verre revêtu, le Palais des Arts flambant neuf est un beau complexe moderne qui renferme trois salles principales. La plus grande, la Béla Bartók National Concert Hall est très agréable et possède une superbe acoustique propre aux nouvelles salles qui nous a permis de profiter en plein des belles sonorités de l’Hungarian National Philharmonic Orchestra, ce jeudi 25 mai 2017.
Vassily Sinaisky remplace le regretté Zoltán Kocsis
Fondé en 1923, l’Orchestre est à juste titre l’une des phalanges les plus réputées de Hongrie. La mort inattendue et prématurée de son directeur artistique, le grand chef d’orchestre et pianiste Zoltán Kocsis laisse forcément un vide. Initialement, il devait diriger le concert avec trois belles œuvres au programme, Shéhérazade de Ravel, Concerto pour violon de Brahms et Tableaux d'une exposition de Moussorgski. Appelé au pupitre, le chef russe Vassily Sinaisky reprend la baguette et conduit bien prenant le soin de confectionner un tapis sonore pour les solistes.
Son interprétation du chef-d’œuvre de Moussorgski (dans la célèbre orchestration de Ravel) sans être inoubliable aura permis néanmoins à l’orchestre de prouver ses nombreuses qualités, fluidité des pupitres, bel équilibre, grand professionnalisme et surtout, une très jolie sonorité. Les tableaux étant en cela une œuvre test où chacun doit être à sa place, l’ensemble affiche une belle cohérence. Très sollicités par la partition, il convient de louer les vents tous excellents et qui, chose remarquable, n’ont pas fait de démonstration de décibels.
Polina Pasztircsák déçoit, Sergey Khachatryan enchante
Connue pour avoir remporté le Concours de Genève 2009, Polina Pasztircsák mène cependant une carrière internationale modeste. Sa prononciation du français si importante dans Shéhérazade de Ravel est plutôt bonne mais le chant est décousu par force de surarticulation. Privé de prosodie, le style se perd et cette Shéhérazade semble bien trop exotique. Le jeune violoniste de 32 ans Sergey Khachatryan est quant à lui tout à fait à sa place dans le célèbre concerto de Brahms. La direction apaisée du chef Vassily Sinaisky ne cherche pas les contrastes qu’un tempo plutôt lent tend à gommer. Le concerto prend alors des allures chambristes qui permettent d’admirer la beauté de l’orchestre et les subtilités du jeu de Sergey Khachatryan. Même s’il manque un rien de lâcher-prise, le violoniste déploie beaucoup de poésie et de sensibilité avec une cadence très douce et quasiment crépusculaire.
Le troisième mouvement plus spectaculaire semble être envisagé comme le passage obligé de la virtuosité mais moins essentiel que l’expression de la mélancolie. Le soliste l’aborde avec facilité comme une récréation, l’essentiel ayant déjà été dit dans les mouvement précédents. Avec une belle audace, il propose une nouvelle approche du concerto très intériorisée. En bis, le premier mouvement de la première sonate de Bach et Apricot Tree du compositeur arménien Vardapet Komitas confirment la poignante mélancolie. Après quelques rendez-vous manqués, le jeune artiste n’aura jamais joué sous la direction de Zoltán Kocsis. Il lui rend cependant un très bel hommage.